La facturation des raccordements privés à
Internet est envisagée.
Les services informatiques des
universités québécoises devront apprendre
à collaborer et à mettre leurs ressources en commun,
sinon un Rochon pourrait nous l'imposer.»
Ces propos de Jean François Grégoire, directeur
de ces services à l'Université de Montréal,
ne laissent aucun doute sur les orientations qui s'imposent dans
ce secteur. «Vaut mieux faire soi-même les économies
que de subir des compressions», ajoutait-il devant les participants
du congrès sur la révolution de l'information tenu
à l'U de M en juin dernier.
Devant l'inéluctable, le Regroupement des directeurs d'informatique
réfléchit depuis plus d'un an à diverses
formules de collaboration interuniversitaire et de mise en commun
de ressources humaines, matérielles et financières
pour des projets particuliers.
«Ce pourrait être la mise sur pied d'un service-conseil
concernant la création de pages Web ou l'installation de
Windows 95, la mise en commun des services de production multimédia
ou de reprographie pour impression massive, l'achat en commun
de droits d'exploitation de logiciels ou encore la création
d'un serveur de groupes de discussion», donne comme exemples
M. Grégoire.
Les universités pourraient également mettre leur
expertise propre à la disposition des autres. L'UQAM pourrait
louer son service d'inscriptions téléphoniques alors
que l'U de M pourrait faire de même avec son système
de gestion des résidences.
Participant à une table ronde au congrès de juin,
les directeurs des services informatiques de l'U de M, de l'UQAM,
de Laval et de Sherbrooke se sont toutefois entendus pour dire
que les éventuels projets de collaboration devraient respecter
la mission, la spécificité et la compétitivité
de chaque partenaire. Les projets devront également être
simples et succincts afin d'éviter l'enlisement et le recours
à de «monstrueuses analyses de faisabilité».
Privatiser l'accès à Internet
Au-delà de ces projets de collaboration, la sous-traitance,
l'impartition et même la privatisation de certains services
ne sont pas exclues. À la différence de la privatisation,
qui consiste à se départir d'un service qui doit
devenir autonome tant dans son financement que dans sa recherche
de clients, l'impartition consiste à confier à l'entreprise
privée la gestion, le matériel et le personnel d'un
service précis dont la mission demeure exclusive à
l'entreprise mère.
Ces avenues sont notamment envisagées pour gérer
l'accès privé à Internet, c'est-à-dire
le branchement sur le réseau à partir de son domicile.
«Ce n'est pas le rôle des services informatiques de
répondre à cette demande, soutient Jean François
Grégoire. Nos ressources doivent d'abord servir à
rendre le serveur disponible pour les communications, les travaux
de recherche et les calculs. Nous ne pouvons pas satisfaire à
la demande concernant Internet et nous concurrençons les
dizaines d'entreprises qui offrent déjà ce service.»
Actuellement, les Services informatiques continuent d'offrir ce
raccordement gratuitement et sur demande, mais il est évident
que cela ne pourra plus continuer longtemps. «Nous disposons
présentement de 200 lignes téléphoniques
et de 200 modems, ce qui peut nous permettre d'accommoder entre
5 000 et 10 000 usagers potentiels, précise le directeur.
Mais il y a un potentiel de 50 à 60 000 usagers actifs
dans l'ensemble de la communauté universitaire.»
La norme, pour un service de qualité, étant de 1
modem par 10 usagers, il faudrait donc au moins 5 000 lignes téléphoniques
louées chez Bell et un serveur équipé d'autant
de modems pour répondre à la demande si chacun décidait
d'être branché à domicile. De plus, les employés
des Services informatiques passent de nombreuses heures au téléphone
à expliquer comment configurer l'ordinateur pour effectuer
ce branchement ou comment établir un lien à haute
vitesse (SLIP ou PPP) pour pouvoir bénéficier de
l'interface Netscape. (Par ignorance, la plupart des utilisateurs
commencent d'ailleurs leur démarche en appelant les Services
aux usagers alors qu'une foule de renseignements sont déjà
facilement accessibles sur le site Internet des Services informatiques.)
Le raccordement privé pose donc un problème d'investissement,
d'entretien, de gestion et de soutien technique. «Nous n'avons
plus les moyens d'opérer un tel service à un coût
compétitif et nous envisageons de fixer un tarif, signale
le directeur. Nos services gratuits sont de moins bonne qualité
que ce que le marché peut offrir.»
Ailleurs, c'est déjà fait. À McGill, on facture
à l'usage. À l'UQAM, on a établi un tarif
forfaitaire par trimestre. À Laval, on a tout donné
à l'entreprise privée. Dans les deux premiers cas,
le tarif exigé ne couvre toutefois pas la totalité
du coût d'exploitation.
Selon Jean François Grégoire, si l'U de M optait
pour l'impartition et finançait à 100 % l'entreprise
qui prendrait en charge ce service, il en coûterait encore
moins cher à l'Université et le service serait de
meilleure qualité.
Daniel Baril